Dans les années 70, une entreprise déverse des déchets toxiques en Méditerranée. Elle sera accusée pour la première fois d’écocide ou « de dommage écologique ».
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À quelques milles du port italien de Follonica en Toscane, un zodiac glisse à la surface de l’eau. À son bord, deux hommes entièrement vêtus de noir rament en silence. Pour les deux hommes, il est hors de question de rater cette mission qu’ils préparent minutieusement depuis des semaines. Ce soir c’est le grand soir et il n’y pas meilleure alliée pour mener à bien cette opération clandestine que l’obscurité offerte par cette nuit sans lune...
Malgré un courant marin très puissant qui rend les manœuvres difficiles, ils arrivent enfin à s’approcher d’un navire d’une 30aine de mètres qui mouille dans le golfe et qui appartient à une compagnie de produits chimiques, la Montedison. Sur la coque métallique du bâtiment apparaît enfin son nom : le « Scarlino Secundo ».
Le temps est maintenant compté. Les deux hommes doivent agir vite. Ils saisissent les bombes artisanales composées de poudre extraite d’obus de la seconde guerre mondiale et tant bien que mal les placent sur la coque. Le système de mise à feu est fixé quant à lui à l’encre.
Quelques minutes plus tard, l’écho d’une puissante détonation secoue la douceur de cette nuit. La coque largement éventrée du petit pétrolier laisse échapper depuis ses cales des ruissellements rouges-orangées. Et répand aussitôt une odeur suffocante d’ammoniaque sur toute la côte.
À la même heure, un communiqué parvient à la rédaction de l’antenne Bastiaise du journal « Le Provençal ». C’est une organisation clandestine, inconnue jusque-là, nommée le FPCL pour « Front Paysan Corse de Libération », qui revendique le sabotage. Cet attentat précise son communiqué est : « Une réponse aux agissement criminels de la société Montedison, propriétaire du navire ».
C’était il y a 40 ans, dans la nuit du 13 au 14 Septembre 1973. Le premier attentat éco-terroriste de l’histoire vient de se produire. Il marque une étape décisive dans le combat contre l’un des plus importants crimes écologiques de la fin du vingtième siècle : L’affaire des « Boues Rouges » qui fit entrer la notion de « dommages écologiques » dans le droit.
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Texte : Alexis Kebbas
Voix : David Gonner